/ Comprendre la cause

 Qu’est-ce que les violences sexuelles en zones de conflits ?

Les violences sexuelles liées aux conflits englobent un panel de violences sexuelles telles que le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, l’avortement forcé, la stérilisation forcée, le mariage forcé, ainsi que toute autre forme de violence sexuelles de gravité comparable, perpetrée contre des femmes, des hommes, des filles ou des garçons et directement ou indirectement liées au conflit.

Ce lien peut être évident à travers le profil des auteurs, souvent affiliés à des groupes armés étatiques ou non étatiques, y compris des entités terroristes. 

Le profil des victimes joue également un rôle, celles-ci étant souvent des membres réels ou supposés de groupes minoritaires politiques, ethniques ou religieux, ou ciblées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, qu’elles soient réelles ou supposées. Les personnes réfugiées et déplacées peuvent être ciblées plus fréquemment. Cependant, chacun peut être la cible de violences sexuelles, quels que soient l’âge, le genre, l’orientation sexuelle ou le milieu économique/social. 

Les femmes et les filles représentent les principales victimes des violences sexuelles liées aux conflits, mais les viols contre les hommes et les garçons existent, et sont encore plus tabous.

Ces violences se produisent fréquemment dans un climat d’impunité, associé à l’effondrement de l’État, aux conséquences transfrontalières telles que le déplacement de populations ou la traite des êtres humains, et/ou aux violations d’accords de cessez-le-feu.

L’expression inclut également la traite des personnes à des fins de violence ou d’exploitation sexuelle lorsqu’elle est commise dans des situations de conflit.

Sources : Conflict-Related Sexual Violence Report of the United Nations Secretary-General (S/2019/280)

Pour en savoir plus : 

\ CAUSES DES VIOLENCES SEXUELLES LIÉES AUX CONFLITS

Le viol a toujours fait partie de l’imaginaire de guerre. Le corps de la femme a toujours été assimilé à un champs de bataille pour les peuples et les individus qui se combattent.

Les violences sexuelles liées aux conflits répondent à des objectifs déterminés stratégiques et psychologiques de domination et de puissance. Elles sont donc nécessairement organisées, commanditées, institutionnalisées et ont vocation à être générales puisque susceptibles de viser toute une communauté. 

En infligeant des traumatismes physiques et psychologiques graves, les perpétrateurs de la violence sexuelle cherchent à instiguer la terreur parmi les populations civiles. Cela vient déstabiliser les communautés, détruire la résistance. La menace de la répétition de violences sexuelles paralyse des populations entières. On observe que les viols ne sont pas dissimulés, mais instrumentalisés et parfois mis en scène dans l’espace public, devant les membres de la famille, de la communauté ou encore filmés et diffusés. 

Exemple : Au Darfour, les milices Janjawid ont systématiquement utilisé le viol contre les femmes des villages africains pour asseoir leur domination. Ces actes de violences ont forcé les communautés à fuir, facilitant le contrôle des terres et des ressources par les milices et leurs alliés.

En prenant pour cibles les femmes qui sont souvent au cœur des schémas sociaux et familiaux, les agresseurs cherchent à briser les liens qui maintiennent la communauté ensemble. Les victimes de violences sexuelles sont souvent stigmatisées et mises à l’écart, ce qui amplifie la désintégration sociale. Cette destruction du tissu communautaire rend difficile la reconstruction post-conflit. 

Par ailleurs, la violence sexuelle envers les femmes de l’ennemi est une forme de métaphore de l’occupation, via la pénétration dans le corps de la femme, le combattant s’approprie le territoire de l’ennemi. 

Exemple : Pendant la guerre civile au Sierra Leone (1991-2002), les forces du Front révolutionnaire uni ont utilisé les violences sexuelles pour détruire les liens familiaux et communautaires. Les femmes et filles enlevées pour devenir esclaves sexuelles, brisant ainsi les structures familiales et créant un sentiment de terreur et méfiance au sein de la communauté.

On observe également dans cette démarche politique, le désir d’exterminer l’ennemi par la filiation. En effet, le corps des femmes constitue la source primaire de la vie, en possédant les corps par le viol, le groupe est entièrement marqué par l’ennemi, la filiation est atteinte.

Le viol est utilisé comme une stratégie de nettoyage ethnique pour “purifier” des populations ou des régions entières. En forçant les grossesses, en stérilisant les femmes d’un groupe ethnique ciblé, les violences sexuelles visent à détruire l’identité culturelle et la continuité démographique du groupe. 

Exemple : Pendant le génocide des tutsi du Rwanda (1994), les femmes étaient violées par les milices hutu dans l’intention de les humilier, les traumatiser, voire de les tuer. On observe que les viols étaient également motivés par l’idée de “polluer” le sang tutsi par les grossesses forcées. Il s’avère qu’ avant le début du génocide, des messages de propagandes incitaient à la haine et aux massacres des femmes tutsi, les désignant comme ennemi sexuel à abattre. 

En s’attaquant aux femmes et aux hommes d’une communauté, les forces armées cherchent à montrer leur pouvoir et à infliger une humiliation publique. Cette stratégie vise à briser la volonté de résister de l’ennemi. Cette déshumanisation par le viol s’accompagne dans certains cas d’une violence extrême : injures, coups, mutilations, etc. 

Exemple : En ex-Yougoslavie (1992-1995), les centre de détention des femmes bosniaques et croates acquirent la réputation de “camps de viols”.  Ces femmes, notamment à Foča, ont fait l’objet d’attaques sexuelles, de viols, d’humiliation et de torture tout au long de leur détention par les soldats serbes qui leur manifestaient un très profond mépris. Réduites à l’esclavage, elles n’avaient d’autre choix que de leur obéir, sous peine d’être battues devant les autres détenues.

Dans certaines situations, les violences sexuelles sont utilisées pour forcer le déplacement des communautés, créant ainsi des vagues de réfugiés et déplacés internes. L’usage systématique du viol entraine un exode des populations, ce qui permet aux forces armées et à leurs alliés d’exploiter les terres agricoles abandonnées, ou le contrôle des ressources. 

Exemple : Dans l’est de la République Démocratique du Congo, les violences sexuelles sont utilisées comme instrument de déplacement des populations locales. Les milices armées terrorisent les communautés, les poussant ainsi à fuir leurs maisons, ce qui permet la libre occupation de nouveaux espaces économiques et le contrôle de l’exploitation des ressources (cobalt, coltan, cassitérite…).

L’effondrement de l’Etat de droit et l’absence de mécanismes de justice efficaces dans un contexte sécuritaire instable perpétuent l’impunité des agresseurs : ils continuent de commettre des crimes sans crainte de représailles. Ce schéma facilite la répétition et l’escalade des violences sexuelles.

\ CONSÉQUENCES DES VIOLENCES SEXUELLES LIÉES AUX CONFLITS

Les violences sexuelles liées aux conflits ont des répercussions profondes et multiformes sur les victimes et leurs communautés. Les conséquences vont bien au-delà du moment de l’agression. Les Survivantes de ces violences peuvent souffrir de graves séquelles, les marquant à vie.

Les violences sexuelles provoquent des blessures corporelles graves et durables. Outre les mutilations, les lésions génitales, les saignements, les douleurs chroniques, l’incontinence et les fistules gynécologiques sont très courantes. En République Démocratique du Congo, le Dr Mukwege soigne de nombreuses femmes souffrant de fistules, après avoir été brutalement violées, les laissant incontinentes et souvent ostracisées. 

Les blessures physiques s’accompagnent de maladies sexuellement transmissibles, notamment le VIH aux conséquences tragiques. En Ethiopie, et notamment dans la région du Tigré, de nombreuses femmes violées ont contracté le VIH. Le manque d’accès aux soins médicaux adéquats a exacerbé leur souffrance, les privant de traitements antirétroviraux vitaux. 

Les grossesses imposées constituent une autre conséquence grave. En 1994, pendant le génocide au Rwanda, des milliers de femmes tutsies ont été systématiquement violées par les milices hutu, ce qui a entraîné de nombreuses grossesses forcées. Ces enfants, souvent perçus comme les « enfants des ennemis », ont fait face à un rejet et une stigmatisation considérables de la communauté, et parfois même de leurs mères.

L’impact dévastateur des violences sexuelles se mesure également sur la santé mentale des victimes, souvent à long terme. Elles touchent l’intégrité morale et psychique de la personne, ce qui va générer des troubles identifiés tels que le trouble de stress post-traumatique (PTSD), la dépression, l’insomnie, l’anxiété, des sentiments intenses de terreur, de rage, de honte, la perte de l’estime de soi et le sentiment de culpabilité. 

Les femmes yézidies enlevées et violées par les combattants de l’Etat Islamique en Irak et en Syrie souffrent de stress post-traumatique, de dépression et de cauchemars récurrents. Elles subissent un profond traumatisme car les autorités yézidies refusent d’accepter au sein de la communauté les enfants nés de ces violences, les considérant comme des enfants de combattants ennemis. Cette situation, combinée à leur expérience en tant qu’esclaves sexuelles, exacerbe leur sentiment de rejet, à la fois par elles-mêmes et par leur communauté, et est aggravée par le manque de soins médicaux ou psychologiques adéquats.

Les répercussions sociales sont profondes pour les victimes et la communauté entière. Au sein de la famille, elles portent atteinte à l’honneur et peuvent entraîner le rejet de la victime. Dans des sociétés où l’honneur familial est primordial, une femme violée peut être perçue comme une « tâche » intolérable, menant à son ostracisation. Par exemple, dans certaines régions d’Afghanistan, les femmes violées sont souvent rejetées par leurs familles et leurs communautés, les forçant à vivre en marge de la société.

Ces violences détruisent également les liens sociaux. En Sierra Leone, pendant la guerre civile, les femmes jouaient un rôle crucial dans la logistique et le soin aux enfants et blessés. Leur victimisation a affaibli les combattants et déstabilisé davantage les communautés. 

La peur, la honte, le silence et la négation de soi entraînent une souillure et une humiliation collective à travers les femmes, détériorant la cohésion sociale et laissant des cicatrices profondes dans la mémoire collective et la descendance par le transfert intergénérationnel du traumatisme vécu.

Les répercussions économiques des violences sexuelles sont également sévères. Les victimes se retrouvent souvent dans une situation de précarité et d’exclusion de la communauté, ce qui entraîne une perte d’emploi ou un abandon scolaire. Par exemple, en Colombie, les femmes déplacées à cause du conflit armé, et victimes de violences sexuelles, ont souvent perdu leurs moyens de subsistance et sont forcées de vivre dans des conditions de pauvreté extrême.

L’abandon scolaire des jeunes filles violées les prive de l’éducation nécessaire pour améliorer leur avenir, les enfermant dans un cycle de pauvreté. L’exclusion des victimes de leurs communautés et la stigmatisation sociale entraînent une perte significative de productivité économique et augmentent la charge économique sur les systèmes sociaux déjà fragiles.

\ LA RECONNAISSANCE DU STATUT DES ENFANTS NÉS DU VIOL

La violence et l’exploitation sexuelle est endémique dans des régions touchées par des conflits armés, et les enfants en sont souvent les victimes. On estime que des dizaines de milliers d’enfants sont nés des violences sexuelles ou de l’exploitation sexuelle au cours des dernières décennies. Nés de la guerre, ces enfants sont profondément marqués par les bouleversements sociaux qui ont conduit à leur conception, ainsi que par le traitement dont ils sont victimes par la société du fait de leurs origines biologiques.

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Quelques clés sur les pays où intervient Stand Speak Rise Up!

« Rien sur nous, sans nous »

Un des aspects majeurs de l’approche holistique de Stand Speak Rise Up! consiste à ce que les Survivantes s’impliquent au cœur de chaque processus visant à leur reconstruction. 

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Stand Speak Rise Up! soutient notamment les Survivantes venues témoigner lors du forum de 2019 à Luxembourg. Les projets sont pensés et conçus à leurs côtés, en prenant en compte leurs besoins et la manière d’y répondre. A chaque étape, les Survivantes sont consultées. Ce sont les associations locales dont elles sont représentantes qui mettent en place les projets sur le terrain.

\ Découvrez le parcours de Tatiana et Sylvia

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